Comment économiser 10 milliards de dépenses publiques en logement

Les aides publiques au logement représentent en 2011 45 milliards d’euros, qui consistent en dépenses effectives du budget de l’État ou des budgets sociaux, mais aussi en avantages fiscaux, ce qu’on appelle des niches fiscales, et en avantages de taux (Compte du logement 2012). Dans le contexte de difficultés budgétaires actuel on peut s’interroger sur la possibilité de faire des économies dans ce domaine.

1. Avantages fiscaux pour les travaux et les dépenses de gros équipement : un impact douteux sur l’activité.

La loi de finances pour 2000 a instauré un taux réduit de TVA sur certains travaux et une réduction d’impôts pour des dépenses de gros équipement. On peut penser que ces dispositions visent à inciter les propriétaires à augmenter le volume des travaux d’amélioration des logements, notamment du point de vue des économies d’énergie. Des données chiffrées sont fournies par le Compte du logement. Elles montrent que le montant nominal (en euros courants) de ces dépenses a poursuivi une hausse régulière après 2000. En déflatant les montants nominaux par l’indice du coût de la construction, on obtient les chiffres de travaux en volume. Il apparaît que depuis 2000, les volumes de travaux ont stagné (cf. graphique suivant).

L’évolution du taux de marge des entreprises de bâtiment à partir de 2000 confirme cette analyse. Quand le taux de valeur ajoutée (valeur ajoutée sur production) est resté stable, voire a diminué, le taux de marge mesuré par le ratio excédent brut d’exploitation sur production s’accroît. Une partie de ce supplément de marge a fait l’objet d’un prélèvement fiscal au titre des impôts sur les bénéfices. En 2007, dernière année pour laquelle les données sont disponibles, l’impôt sur les bénéfices des entreprises de bâtiment s’élevait à 1,1 milliard. Il était de 327 millions en 1999.

 Résultats financiers des entreprises de construction

Année 1999 2000 2001 2005 2006 2007
Valeur ajoutée /production

43,99

44,04

43,95

43,67

42,76

42,76

EBE / production

3,44

4,86

5,07

6,00

5,87

6,46

Résultat net / production

1,38

2,10

2,93

4,20

4,60

5,53

Source : Enquête annuelle d’entreprises, SOeS.

Un retour au taux normal de TVA et la suppression des réductions d’impôts n’auraient donc sans doute qu’un impact limité sur ces volumes de travaux. L’économie budgétaire brute s’élèverait à 5,8 +2,15 +0,85 = 8,8 milliards. L’économie nette de la perte d’impôts sur les bénéfices serait moindre, mais au moins de l’ordre de 7 milliards.

2. Aide à l’investissement locatif : une comparaison France/ États-Unis

Les dispositifs d’aide à l’investissement locatif ont été mis en place en France dans le contexte particulier de la contraction du parc locatif privé du milieu des années 80. Il s’agissait de faire (re)venir les investisseurs privés sur ce marché. Ce dispositif a perduré au-delà de ce cycle et a été maintenu depuis. On peut s’interroger sur ses effets. Mesurer l’efficacité de l’aide ne peut consister simplement à comptabiliser les logements construits sous le bénéfice de ce régime fiscal. En son absence, des logements locatifs auraient été construits. Pour déterminer la différence avec une évolution sans aide, on compare la situation de la France avec les États-Unis où ce dispositif n’existe pas. On calcule le taux d’opérations d’investissement en logements locatifs et de résidence secondaire en France et aux États-Unis (cf. graphique suivant).


On constate que le poids des opérations d’investissement en logements locatifs ou résidences secondaires a crû à peu près dans les mêmes proportions en France avec les aides à l’investissement locatif, et aux États-Unis où de telles aides n’existent pas. Les aides à l’investissement locatif étaient donc largement inutiles.

En fait l’évolution de ces investissements est imputable aux conditions de financement favorables. Ces opérations sont menées par des ménages plutôt aisés qui sont les mieux placés pour bénéficier de ces conditions de financement. L’amélioration des conditions de financement aurait produit les mêmes effets sans qu’il y ait besoin d’aide publique. Leur suppression aurait donc peu d’effets négatifs. Économie budgétaire : 705 millions €.

3. Épargne logement : un dispositif qui ne répond plus à son objectif initial

L’épargne logement est un circuit de financement des prêts au logement qui consiste en une épargne des ménages préalable à l’octroi d’un prêt immobilier financé sur cette ressource. Le montant et le taux du prêt dépendent du taux et du montant des intérêts acquis pendant la phase d’épargne. Cette épargne est assortie d’une aide publique, sous forme d’exonération des intérêts, mais non pas des cotisations sociales. Une prime est versée par l’État lors de la demande de prêt, elle-même exonérée d’impôts. L’aide représentant l’épargne logement mesurée par le Compte du logement est celle de l’avantage de taux, pas celle des aides directes sous forme de primes ou d’exonérations fiscales. Ainsi l’avantage de taux de l’épargne logement représente 17 millions € en 2011. Cet avantage s’est révélé négatif dans le passé, dans les années 2005-2007 notamment. En revanche, les primes versées en 2011 représentent 670 millions et les exonérations fiscales 720 millions en 2010. L’écart entre le coût de l’aide pour les finances publiques et les avantages qu’elle génère soulève la question de l’efficacité de ces aides.

En 2012 moins de 4% des dépôts servent à financer des prêts d’épargne logement (cf. graphique suivant). Ce dispositif ne répond donc plus du tout à son objectif initial. Par ailleurs la défiscalisation va à l’encontre de l’équité fiscale, puisque ce sont les plus aisés qui détiennent majoritairement les dépôts.

Certes, les montants déposés servent massivement au financement du logement, de l’ordre de 97% selon le ministère du budget (http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/farandole/2014/pap/html/DBGPGMOBJINDPGM145.htm) mais rien ne justifie que le système bénéficie d’aides publiques. Le système d’épargne logement pourrait continuer à être proposé par les établissements bancaires sans cette aide.

Économie budgétaire : exonérations des dépôts et des primes 720 millions prévues en 2014, plus les primes elles-mêmes 565 millions, soit 1,285 milliards €.

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