Intervention Cornuel Valenciennes 2014
Il y a des disparités de loyers. Celles-ci sont dues à deux facteurs, d’abord des différences entre les caractéristiques des logements, plus ou moins grands, situés dans des zones plus ou moins chères, de plus ou moins grande qualité etc.. Les économistes disent qu’il s’agit de différences de volume. Il existe aussi des différences dues aux plus ou moins grandes exigences des bailleurs, à caractéristiques de logement données. Il s’agit de différences de prix nominaux. On peut penser que ce sont celles-là que la politique d’encadrement des loyers veut réduire. Pour mettre en évidence les différences de prix nominaux, il faut donc raisonner à caractéristiques de logement identiques. Si on n’identifie pas correctement les caractéristiques, en réduisant les loyers des logements les plus chers on risque de pénaliser la qualité, avec les conséquences mises en évidence par Akerlof[1] (prix Nobel de sciences économiques à ce titre en 2001).
L’identification des caractéristiques des logements est le rôle des observatoires des loyers. Mais ces observatoires n’observent qu’un nombre réduit de caractéristiques, en l’occurrence la localisation par agglomération et peut-être à l’intérieur de certaines agglomérations, la surface (loyers au m²), et le type de logement. Or d’autres caractéristiques conditionnent le loyer d’un logement. Leur incidence est mesurée par des méthodes dites hédoniques (cf. Comptes du logement 2004 et Curci et Taffin 1991[2]). Avec ces méthodes et compte tenu des données renseignées on explique entre les 2/3 et les ¾ de la dispersion des loyers, sans qu’on puisse préciser si la partie inexpliquée est imputable à des caractéristiques non observées ou à des différences nominales.
En définitive, les loyers au m² selon le type de logements dans une agglomération présentent des disparités qui ne sont pas seulement dues à des différences entre les exigences du bailleur mais à des différences de qualité. Dès lors, se pose le problème de la rémunération de ces différences de qualité. L’effet d’un encadrement des loyers qui empêche une rémunération correcte de la qualité peut s’appréhender à l’aide du raisonnement d’Akerlof pour le marché des voitures d’occasion. Akerlof part du fait qu’il y a une disparité des qualités des produits sur un marché, en l’occurrence celui des voitures d’occasion. Si le prix des voitures d’occasion se détermine par la qualité moyenne, alors les voitures de qualité supérieure ne seront pas payées à leur juste prix. Dans ces conditions, les vendeurs de voitures de bonne qualité se retirent du marché. Ce faisant la qualité moyenne diminue, ce qui amène de nouveaux vendeurs de bien de bonne qualité à se retirer. De proche en proche, le marché s’amenuise et peut finir par disparaître. Dans le modèle d’Akerlof l’impossibilité de rémunérer correctement la qualité vient de l’asymétrie d’information entre les vendeurs et les acheteurs. S’agissant des voitures d’occasion les vendeurs connaissent la qualité de leur véhicule, les acheteurs non. Dans le cas de la régulation des loyers l’impossibilité de rémunérer la qualité proviendrait du plafonnement des loyers et de la mauvaise prise en compte de la qualité par les observatoires de loyer.
Les effets de la mauvaise rémunération de la qualité sur le marché locatif seront les mêmes que ceux identifiés par Akerlof. Les bailleurs des logements de meilleure qualité seront d’incités à sortir du marché en vendant leur bien. Ils pourront valoriser la qualité sur le marché du bien puisqu’il n’y a pas de régulation des prix sur ce marché. Cette contraction du parc locatif irait à l’encontre de la politique d’aide à l’investissement locatif mis en place depuis le milieu des années 80.
Inversement les bailleurs de logement dont le loyer est inférieur au loyer médian minoré auront la possibilité d’accroître leur loyer. Cette possibilité constituera une incitation à offrir des logements de qualité médiocre. On a donc affaire à la fois à une prime à la médiocre qualité et une pénalisation de la qualité élevée.
Il est certes permis aux propriétaires de logement dont les loyers sont supérieurs au loyer médian majoré de maintenir leur prix en le justifiant. Le communiqué de presse du ministère évoque notamment la présence d’une grande terrasse ou d’une hauteur sous plafond exceptionnelle. Or ce genre de caractéristiques est de celles dont on ne peut pas actuellement mesurer l’impact dans un modèle explicatifs des loyers. L’incidence que ces caractéristiques peuvent ou doivent avoir sur les loyers relève donc très largement d’une appréciation subjective.
A qui bénéficiera l’encadrement ? Un des arguments justifiant l’instauration de l’encadrement est le fait que « un locataire du parc privé sur cinq dépense plus de 40 % de ses revenus pour se loger » [3]. Notons d’abord qu’il s’agit de 16% des locataires qui eux-mêmes représentent 20% des ménages. La surcharge de dépense de logement dans le secteur locatif privé ne concerne donc que 3,2% de l’ensemble des ménages. C’est sans doute trop. Mais la question est de savoir si ces locataires bénéficieront de l’encadrement.
Les marchés immobiliers fonctionnent selon un mécanisme d’enchères, les logements les plus attractifs sont alloués aux plus offrants. Ce sont ceux dont les capacités de paiement sont les plus élevés. Autrement dit, ces sont les plus aisés qui payent le plus cher pour les logements les plus attractifs. En limitant les loyers au loyer médian majoré, ce seront eux qui bénéficieront le plus de l’encadrement.
Inversement les moins aisés occupent les logements les moins onéreux et les moins attractifs. Or ce sont ces logements dont les bailleurs vont pouvoir obtenir une revalorisation des loyers. Les locataires les moins aisés risquent donc d’avoir à payer plus. La revalorisation est cependant limitée à l’évolution de l’IRL. Elle pourrait donc bien n’être qu’un mirage pour les bailleurs. En définitive ce seraient les plus aisés qui bénéficieraient de l’encadrement et éventuellement les plus modestes qui en seraient les victimes. L’encadrement des loyers aurait l’effet plutôt inverse de celui recherché.
Cette dynamique de contraction du parc des logements locatifs de meilleure qualité et d’augmentation des loyers des locataires les plus modestes est un effet possible des dispositions envisagées dans la loi ALUR. La mise en œuvre de la loi et de la dynamique elle-même ne s’opérera toutefois que lentement. Le plafonnement ne sera immédiat que pour les nouvelles locations. Pour les baux en cours l’application de la loi dépend de l’attitude des locataires et leurs réactions ne seront sans doute pas immédiates. La réaction des bailleurs sera lente également. De manière générale, les ajustements sur les marchés immobiliers s’opèrent toujours avec lenteur du fait des coûts de transactions, qui incluent non seulement les coûts financiers mais aussi les coûts en temps de recherche. Enfin certains bailleurs espéreront qu’un gouvernement ultérieur modifie la loi comme cela s’est produit avec la loi Quilliot du 22 juin 1982, corrigée par la loi Méhaignerie du 23 décembre 1986 et la loi Mermaz du 6 juillet 1989 et qui a marqué la stabilisation de la législation sur les rapports locatifs.
[1] George Akerlof, “The Market for « Lemons », Quarterly Journal of Economics, 1970.
[2] Comptes du logement 2004, dossier n°3 « Dispersion des loyers : le rôle croissant de la localisation » http://www.epsilon.insee.fr:80/jspui/handle/1/87620
Curci G. et Taffin C., 1991, « Les écarts de loyer », Economie et Statistique n°240, février, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1991_num_240_1_5525
[3] Ministère de l’égalité des territoires et du logement, Dossier de presse « Encadrer durablement les loyers », juillet 2013.
BONJOUR
Est-il possible que les loyers soient différents à l’intérieur d’un même immeuble,pour des appartements identiques hormis les allocations logements éventuelles.
APPARTEMENTS TYPE 4
Cordialement
C’est tout à fait possible. Les caractéristiques identifiables d’un logement permettent, au moins statistiquement, d’expliquer les différences de loyer ou de prix. Dans un même immeuble les différences entre les appartements sont évidemment plus réduites. Mais la taille joue sur le loyer au m². L’étage joue également un rôle, le loyer croit avec l’étage jusqu’au 3-4ème puis décroît ensuite. L’état du logement doit jouer mais il est difficilement quantifiable.
Une variable concernant la relation bailleur-locataire joue également un rôle. C’est l’ancienneté de présence du locataire. Les locataires anciens paient moins cher que les locataires plus récents, notamment parce que les hausses significatives de loyer intervenaient lors des changements de locataires. Ce ne devrait plus être possible.
Finalement la relation de bail reste une relation de marché où le bailleur et le locataire peuvent convenir de ce qu’ils veulent, en principe dans le respect de la réglementation. Dans un même immeuble, si les bailleurs sont différents les loyers peuvent différer.
Bonjour sur le site http://location-appaertement.fr les agences proposent des appartements à louer sans frais d’agence ? bizarre non ?
Bizarre en effet. Un intermédiaire a un coût qui doit être supporté par quelqu’un. Si le client ne le paye pas directement, il peut le supporter indirectement. Mais il me semble que la législation est stricte sur ce point.