Face au déficit du budget et à l’ampleur de la dette publique, la question de la taxation des patrimoines revient à l’ordre du jour. La théorie économique ne dit rien sur la fiscalité si ce n’est d’énoncer le principe de fiscalité optimale. Ce principe recommande d’éviter de taxer les grandeurs économiques qui modifieraient les comportements de consommation et d’investissement. Il faut donc privilégier la taxation des revenus et des patrimoines.
1 Les patrimoines immobiliers sont déjà taxés
Depuis la suppression de l’impôt sur les grandes fortunes, l’IGF, seul les patrimoines immobiliers sont encore taxés, d’une part par la taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties, et d’autre part par l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI.
La taxe foncière est due quelque soit le bien et le statut du détenteur. Toutefois pour les propriétaires occupants elle peut être considérée comme un substitut à l’impôt sur les loyers dits « imputés », c’est-à-dire les loyers que le propriétaire se verse à lui-même. Ces loyers imputés sont comptabilisés dans le PIB. Ils sont inclus dans les dépenses de consommation de logement et ajoutés au revenu disponible des ménages.
Cette conception de l’impôt foncier ne vaut pas pour les propriétaires bailleurs dont les revenus locatifs sont taxés comme tels. Ces propriétaires subissent donc un impôt sur le patrimoine immobilier.
Outre la taxe foncière les patrimoines immobiliers les plus élevés sont imposés à l’impôt sur la fortune immobilière. Il s’agit là d’un impôt sur les patrimoines immobiliers qui est dû en dehors de toute autre considération.
Comme les patrimoines d’une autre nature que l’immobilier ne sont pas imposés, il y a un problème d’équité horizontale qui contrevient au principe de « traitement égal des égaux ». Les riches en immobilier sont plus taxés que les riches en actifs financiers.
2 La nature économique de la taxation des patrimoines
La nature économique de la taxation des patrimoines résulte de la nature économique des patrimoines. La théorie économique indique que la valeur d’un actif est la somme des revenus futurs actualisés qu’il peut générer, la valeur actualisée nette. Par conséquent taxer un patrimoine c’est taxer ses revenus futurs. Comme ces revenus seront taxés le moment venu, taxer les patrimoines consiste à taxer deux fois ses revenus, une fois comme patrimoine et une fois comme revenu effectif.
Ceci vaut chaque fois que l’on taxe les patrimoines. Ce peut être une seule fois quand il s’agit d’un prélèvement exceptionnel mais plusieurs fois quand il s’agit d’un impôt récurrent. Considérons par exemple un loyer qui sera perçu dans 10 ans. S’il y a un impôt annuel sur les patrimoines, ce loyer sera taxé chaque année jusqu’à sa perception, c’est-à-dire 10 fois. On comprend à quel point les personnes assujetties à cet impôt multiple peuvent être tentées de s’y soustraire.
3 Réduire les inégalités de patrimoine
Si l’on taxe les patrimoines pour réduire les inégalités, notamment entre ceux qui détiennent des actifs et ceux qui n’en détiennent pas, il existe un moyen simple qui résulte de la nature économique des patrimoines. Le mécanisme de la valeur actualisée nette aboutit au fait que les patrimoines varient de manière inversement proportionnelle au taux d’actualisation qui correspond à un taux d’intérêt.
Si les patrimoines ont crû dans des proportions considérables depuis le début des années 2000, c’est dû principalement à la baisse des taux d’intérêt. Mécaniquement quand les taux d’intérêt diminuent de moitié, la valeur des actifs double. Dès lors, si l’on veut réduire leur valeur il suffit d’agir sur les taux d’intérêt.
4 Les patrimoines c’est la croissance
Dans le langage courant les patrimoines sont ce qui reste du passé. Mais ce résultat de l’accumulation n’a de valeur que s’il rapporte dans le futur. Or la valeur venant du futur résulte de la croissance. C’est la raison pour laquelle on trouve des start-ups évaluées en milliards alors qu’elle n’ont encore rapporté aucun revenu mais dont on pense qu’elles le feront. Taxer les patrimoines c’est donc taxer la croissance.